Henriette Marie Françoise Edme

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Henriette Marie Françoise Edme
Dénomination(s) Mme de Marans, Mme de Vanssay de Marans, Mme Edme de Vanssay de Marans, Mme de Bénouville, Mme de ***
Biographie
Date de naissance 24 mars 1719
Date de décès 6 novembre 1784
Conjoint(s) Louis-Joseph de Vanssay de Marans (1715-1786)
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)



Notice de Mathilde Chollet, 2014

Henriette Marie Françoise Edme est née le 24 mars 1719 à Paris et baptisée le lendemain, paroisse Saint Jacques de la Boucherie. Elle est la fille aînée de Henri Edme (1673-1733), contrôleur ordinaire des guerres à la suite du régiment des Gardes Suisses et de Marie Gillette de Lavau (1694-1747). La famille Edme s'installe en 1732 aux Rouaudières, fief situé paroisse de Cormenon, dans le bas Vendômois, entre Le Mans et Blois. En 1735, sa mère, devenue veuve, épouse un seigneur local, Alexandre de Moges. Après la mort de sa mère en 1747, Henriette se retrouve seule avec lui et veille à sa santé fragile, tout en participant à la vie sociale de l'élite vendômoise. C'est dans ce contexte qu'elle tient ses deux premiers journaux personnels, le Mémorial à mon usage particulier en 1752 et les Réflexions journalières en 1753-1754. Alors que de Moges décline, son frère lui propose de le rejoindre à Saint Domingue, mais le journal d'Henriette montre son hésitation. Elle reçoit une proposition de mariage qu'elle semble avoir accepté sous la pression de son beau-père. Le 26 août 1755, Henriette épouse aux Rouaudières Louis Joseph de Vanssay (1715-1786), chevalier de La Barre, qui pour l'occasion prend le nom de sa mère et devient de Marans. Mme de Marans passe sa vie aux Rouaudières, sans enfants. En 1758, elle publie anonymement une partie des réflexions contenues dans ses deux premiers journaux sous le titre Pensées Errantes avec quelques lettres d'un Indien. Entre la fin des années 1750 et le milieu des années 1760, elle tient un dernier journal, les Confidences générales et particulières. À la même époque, elle accueille sa nièce Pascalitte (1758-1835) qu'elle élève comme sa fille ; en 1778, elle lui fait épouser son neveu Charles de Vanssay (1751-1792). Le couple s'installe au Château de La Barre, à Conflans sur Anille, au nord de Saint Calais. Durant cette époque, Mme de Marans entretient une correspondance avec sa niece jusqu'à sa mort aux Rouaudières, le 6 novembre 1784.
Mme de Marans est une polygraphe. Le contenu éclectique de ses journaux qui renferment des remèdes thérapeutiques, des extraits d'histoire, des chansons, des critiques de lectures, des réflexions morales et philosophiques, révèle sa curiosité. Les Pensées errantes sont suivies d’un roman épistolaire monodique intitulé Lettres d'un Indien. Le héros, Zurac, est un esclave Indien qui écrit à un ami. Selon Antoinette Sol, Mme de Marans dénoncerait à travers Zurac, l'esclave ouvert aux arguments de la raison, la place marginale des femmes reléguées au second rang de la société et de la République des Lettres. Cette interprétation semble cohérente, Mme de Marans poursuivant dans ses journaux son plaidoyer en faveur d’une éducation identique aux deux sexes. Si ses journaux ont été conservés par ses héritiers, ses Pensées errantes ne constituent pas un succès éditorial et font partie de ces nombreux opuscules publiés par ces « soldat[s] inconnu[s] de la bataille philosophique » (Werner Krauss). Les journaux de Mme de Marans ont été redécouverts au milieu du XXe siècle, quand les archives des Vanssay se sont ouvertes aux Archives Départementales de la Sarthe pour un microfilmage de sécurité. Encore peu visibles dans le catalogue des papiers de famille, ils mériteraient une étude approfondie.
La presse est décontenancée par la forme inhabituelle des Pensées errantes - la préface étant deux fois plus longue que le roman - mais distingue leur auteure. Dans sa famille et dans son entourage, Mme de Marans est reconnue pour être une femme parfois trop instruite. Mais aucune étude n’a été consacrée au personnage et à ses écrits pourtant parfois cités dans les livres. Dans la monographie sur la famille de Vanssay, Mme de Marans reste un personnage anecdotique, épouse d'un cadet de la branche principale, morte sans descendance. Une partie de la correspondance entre les Vanssay de La Barre et les Edme de Saint Domingue a été éditée par Gabriel Debien, spécialiste des colonies; quelques-unes des lettres publiées sont de ou adressées à Mme de Marans. Les Pensées errantes, attribuées jusqu'alors à Mme de Bénouville, ont intéressé les historiens de la littérature et de la pensée des Lumières. Du côté des gender studies, l'ouvrage de « Mme de Bénouville » sert à Antoinette Sol pour étudier la marginalité des femmes dans la société du XVIIIe.

Oeuvres

  • 1752 : "Mémorial à mon usage particulier", manuscrit inédit (château de La Barre, Conflans sur Anille et AD72 1 Mi 3 R12, reproduction sous forme de microfilm).
  • 1753-1754 : "Réflexions journalières", manuscrit inédit (château de La Barre, Conflans sur Anille et AD72 1 Mi 3 R12, reproduction sous forme de microfilm).
  • 1758-1765 ? : "Confidences générales et particulières", manuscrit inédit, (château de La Barre, Conflans sur Anille et AD72 1 Mi 3 R12, reproduction sous forme de microfilm).
  • 1755 ? : "Trois comédies de Térence traduites par Mde d. V. d. M. "(L'Andrienne, les Adelphes et le Phormion), manuscrit inédit (château de La Barre, Conflans sur Anille. Une lettre de Mme de Marans au parlementaire parisien Louis Angran d'Allerai, datée du 18 décembre 1754, indique qu'elle s'est attaquée à la traduction de la troisième pièce).
  • 1758 : Anonyme, Les pensées errantes, avec quelques lettres d'un Indien, Paris, S. P. Hardy. (oeuvre attribuée depuis Barbier à Mme de Bénouville) [1]
  • 1779 ? : "Autoportrait" (huile sur toile, ni datée ni signée) – Conflans sur Anille, château de La Barre (attribution et datation hypothétiques, d'après deux lettres de Mme de Marans à Pascalitte de Vanssay des 29 juillet 1779 et 18 mars 1780).

Principales sources

  • Archives Départementales de la Sarthe (France, Le Mans), Archives du château de La Barre (Conflans sur Anille), 1 Mi 3, 79 rouleaux et une bande, 1375 m., 1955-1956. Microfilmage de sécurité des principaux papiers de famille, dont : "Mémorial à mon usage particulier", AD72 1 Mi 3 R12, 1752; "Réflexions journalières", AD72 1 Mi 3 R12, 1753-1754; "Confidences générales et particulières", AD72 1 Mi 3 R12, 1758-1765 ?

Choix bibliographique

  • Chollet, Mathilde, « Les écrits du for privé dans le Haut-Maine à l’époque moderne », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 115-1, 2008, p.133-158.
  • Chollet, Mathilde, Éducation et culture au château d'après les journaux personnels de Mme de Marans (1719-1784), thèse d'histoire moderne en cours, sous la direction de Frédérique Pitou et Sylvie Granger, Université du Maine.
  • Debien, Gabriel, « Lettres de colons », La Province du Maine, 38, 1958, p.138-148 et 194-206.
  • Sol, Antoinette, « 'Se répandre en paroles' : Notions of Identity in Mme de Bénouville’s Pensées Errantes », Intertexts, 4.2, Fall 2000, p.129-143.
  • Sol, Antoinette, « Speaking from the Margins : Gender and Race in Novels by Mme de Bénouville and Mme Roumier Robert », International Journal of the Humanities, vol.2, n°3, 2006, p.2161-2166.

Choix iconographique

  • 1779 ? : Autoportrait (huile sur toile, ni datée ni signée) -– Conflans sur Anille, château de La Barre (attribution hypothétique, d'après deux lettres de Mme de Marans à Pascalitte de Vanssay des 29 juillet 1779 et 18 mars 1780).

Jugements

  • « Madame de *** paroît très sçavante ; elle parle d'histoire, de morale, de physique, de métaphysique, de politique, de religion même et de théologie ; elle combat des idées de Cicéron, de M. de Montesquieu, de Malebranche, &c ; elle cite jusqu'à du latin ; ce qui suppose qu'elle le sçait. […] Ce livre présente quelque traits d'esprit & quelques pensées assez bonnes ; mais, en général, il est très médiocre ; on y trouve par-ci par-là des trivialités, des platitudes & des façons de parler ridiculement familières. » (L'Année Littéraire, vol.4, 1758, lettre du 10 juillet 1758, p.209-216).
  • « Je ne connais pas l'auteur de cet ouvrage, dont la forme est singulière, et le fond detestable. » (Correspondance littéraire, philosophique et critique, XXVII, lettre du 15 juillet 1758, p.115).
  • « Il faut donc s'attendre ici à toutes sortes de choses, surtout à bien de l'esprit & à une assez grande légèreté de style. […] Mais pris en total, ce livre est toujours une composition estimable, & sûrement l'ouvrage d'une personne raisonnable, cultivée, digne d'un bonheur dont apparemment elle ne jouit pas. […] Il nous semble que l'auteur pourroit mieux réussir dans le genre de réflexions, dans les détails de morale que des récits de pure imagination. Le bon esprit est plus le lot de cette personne que le bel esprit, & nous croyons qu'elle ne doit pas se plaindre du partage.» (Mémoires de Trévoux, juillet 1758, p.1907-1911).
  • « On reproche à l'auteur de cet ouvrage d'avoir un peu trop couru après l'esprit, & de n'avoir pas toujours réussi à le saisir ; ses pensées roulent sur toute sorte de sujets ; elle parle théologie, morale, critique & cite même du latin : ce qui suppose une personne plus instruite que ne le sont la plûpart des femmes, & souvent même des hommes qui prennent le titre d'hommes de lettres. » (Annales typographiques, XI, 1760, p.283-284).
  • « Rien de si usité parmi les petits auteurs de l'un & de l'autre sexe que de se cacher sous un tas d'étoiles, qui sont du moins un symbole de prudence. Mais avoir le courage de taire son nom au moment où out invite à s'en faire honneur, c'est le plus digne effort de la modestie ; c'est ressembler en quelque sorte aux dieux, qui, cachés à nos yeux par des étoiles, se contentent de se faire connoître par leurs merveilles. On peut bien qualifier ainsi, ce me semble, les traits d'érudition latine répandus dans les ouvrages d'une dame, qui vit, dit-on, dans ses terres. Il revient apparemment dans son château des esprits de l'ancienne Rome. Il ne faut donc pas s'étonner si ses pensées y sont errantes, sans être vagabondes ; on y connoît d'ailleurs si parfaitement les moeurs des Indes, que je le croirois un peu voisin de ce pays-là. Il n'y a point de genre de sciences sur lequel Madame de *** ne s'exerce avec succès ; d'où je conclus que ce ne sera qu'en se nommant qu'elle pourra nous persuader que tout ceci est l'ouvrage d'une femme. Cette petite incrédulité est trop à son avantage pour craindre qu'elle m'en fasse un crime ; je ne la fonde que sur l'objet des langues sçavantes, dont la culture est presque sans exemple chez les femmes les plus lettrées. Je croyois pouvoir sortir d'incertitude en examinant de près la nature du style, mais quel éclaircissement peut-on en attendre ? On y voit respirer également les qualités propres aux deux sexes. » (Journal des Dames, 1761, p.178-186).
  • (A propos des réflexions du héros des Lettres d'un Indien) « […] des réflexions qui se trouvent partout, & qu'on ne se soucie plus de trouver nulle part. J'en dis autant de toutes les pensées qui sont la principale partie du recueil ; & ce livre, tout petit qu'il est, me paroît encore trop grand, pour l'utilité dont il peut être. » (de La Porte, Joseph, Histoire littéraire des femmes françaises, Paris, Lacombe, 1769, vol.4, p.606-607).
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