Jacqueline de Chaugy

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Jacqueline de Chaugy
Dénomination(s) Mère Françoise-Madeleine de Chaugy
Biographie
Date de naissance 1611
Date de décès 1680
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Nicole Pellegrin, 2008

Fille d’Hugues, baron de Cuzy en Nivernais attaché un temps au service de Marie de Médicis, et de Claudine de Toulonjon, Jacqueline de Chaugy est née le 1er janvier 1611 dans une famille pieuse et cultivée, alliée par mariage à celle des Chantal et parente des de la Guiche de Saint-Géran et d’Honoré d’Urfé, l’auteur de l’Astrée. Élevée en province par sa grand-mère maternelle, elle rencontre François de Sales dès 1619, mais l’adolescente continue à faire montre de goûts littéraires et mondains prononcés. Elle y est encouragée par son entourage et ses vers sont applaudis par le poète Théophile de Viau. Néanmoins, elle n’apprend le latin et n’acquiert une connaissance approfondie de la Bible qu’en clôture.

Entrée à la Visitation d’Annecy à l’âge de 18 ans, après une déception amoureuse, elle y prend l’habit le 8 juillet 1629 sous le nom de Françoise-Madeleine et y fait profession un an après. Elle devient une des secrétaires préférées de Jeanne de Chantal dont elle recueille pieusement les propos tout en entamant, à la requête de la fondatrice, une histoire des premiers monastères de l’ordre. Dès la mort de celle-ci à Moulins (13 décembre 1641), elle rédige des Mémoires sur la vie et les vertus de Jeanne-Françoise de Chantal qui, longtemps restés manuscrits, alimentent les écrits biographiques que font imprimer, sous leurs seuls noms, divers hommes d’Église.

Élue supérieure, elle travaille à l’agrandissement et à l’embellissement de la «Sainte Source» (le couvent-mère) et de son église et elle devient l’infatigable ouvrière de la béatification de François de Sales, obtenue en décembre 1661. Toutes choses qui se font au prix d’une intense activité épistolaire, de lourdes dépenses pour l’ordre tout entier et de pénibles démêlés avec les puissances tutélaires dont dépendait alors la Savoie: la cour de Turin (souvent en guerre avec la France) et les omnipotents évêques de Genève en résidence à Annecy. Après quatre supériorats, de trois ans, chacun à Annecy (entre 1647 et 1662), elle occupe aussi cette fonction à Montferrand en Auvergne (1666), à Crest (1671), à Carpentras (1673) et finalement à Turin (1678), mais elle est à deux reprises démise de sa charge à la suite de calomnies et exilée au monastère français de Seyssel (1664-1666; 1669-1671). Des rivalités ecclésiastiques locales, son propre appui à la famille de Sales, la crainte des visitandines parisiennes de la voir devenir «supérieure générale» et le soutien très actif qu’elle reçoit par ailleurs de certaines consoeurs (celles de Montferrand se rebellent en sa faveur et sont pour cela un temps excommuniées en 1669) expliquent les aléas d’une vie agitée et remplie de voyages et de tracas diplomatiques et financiers, vie qu’enrichit sans cesse cependant le désir de faire respecter, par la plume et la parole, l’esprit salésien dans toute sa rigueur.

Instituée historienne de son ordre par Jeanne de Chantal qui la juge brillante, mais peu douée pour la contemplation, Chaugy, morte en 1680, est l’auteure d’écrits destinés, au départ, à ne circuler qu’à l’intérieur des communautés de la Visitation. Il s’agit de faire connaître, à des fins mémorielles et d’édification, les actes et les vertus (les deux moments de tous ces textes) des premières moniales. Mais dès leur publication en 1659, ces recueils biographiques rencontrent un public dévot qui apprécie, comme le font les historien-ne-s d’aujourd’hui, la plume alerte et l’intelligence d’une narratrice précise et enthousiaste. Rédigés sans l’afféterie en vigueur dans les vies spirituelles d’alors (il suffit, pour s’en convaincre, de confronter les textes de Chaugy à la prose qui en dérive) et fondés sur des témoignages authentiques, ces récits ont une valeur documentaire et littéraire indéniable. Leur pillage maladroit (il s’est poursuivi jusqu’à la fin du XIXe siècle) et l’utilisation intensive qui continue à en être faite soulignent la qualité et l’importance de cette annaliste conventuelle. En consacrant l’essentiel de sa vie à des tâches d’ordre mémoriel (travaux d’écriture, batailles pour la canonisation des fondateurs, luttes pour le maintien d’observances menacées par l’ingérence épiscopale), Chaugy se révèle à nous comme une intellectuelle combative et une administratrice habile. Religieuse d’exception (et pour cela suspecte?), elle fut aussi la victime -forcément consentante et oubliée- des «tribulations cloîtrières» d’un temps voué à la consolidation de la Visitation.

Oeuvres

  • 1659 : Les Vies de IV des premieres meres de l’Ordre de la Visitation Sainte Marie. Ecrites et dédiées à N.S.P. le pape Alexandre VII, par la Reverende Mere Françoise-Madeleine de Chaugy, superieure du premier monastere de cet Ordre, Annecy, Jacques Clerc -- éd. enrichie et publiée par la Visitation d’Annecy, Paris, Poussielgue, 1892.
  • 1659 : Les Vies de VII des premieres meres de l’Ordre de la Visitation Sainte Marie. Ecrites et dédiées à Madame la princesse de Chisi, par la Reverende Mere Françoise-Madeleine de Chaugy, superieure du premier monastere de cet Ordre, Annecy, Jacques Clerc.
  • 1659 : Les Vies de VIII venerables veuves, religieuses de l’Ordre de la Visitation Sainte Marie. Ecrites et dédiées Madame la Marquise de Tasson, par la Reverende Mere Françoise-Madeleine de Chaugy, superieure du premier monastere de cet Ordre, Annecy, Jacques Clerc -- éd. revue et annotée par Charles d’Héricault, Paris, Gaume frères et J. Duprey, 1860.
  • 1659 : Vies de IX des premieres meres de l’ordre de la Visitation Sainte Marie. Ecrites et dédiées à Madame la princesse Chigi Farnaise, par la Reverende Mere Françoise-Madeleine de Chaugy, superieure du premier monastere de cet Ordre, Annecy, Jacques Clerc.
  • 1673 : Statuts, Offices et Litanies pour la Confrerie de Saint François de Sales, érigée par ordre apostolique et licence des supérieurs en l’église des religieuses de la Visitation Sainte Marie de Crest, diocèse de Die, Avec l’abrégé de la vie du saint selon l’ordre chronologique, réduit en sujets d’entretiens spirituels suivant les évangiles de tous les dimanches de l’année, composé par une supérieure de la Visitation Sainte Marie, Valence, Pierre Verdier.
  • 1675 : Méditations tirées des offices de l’Eglise et des écrits de saint François de Sales, évesque et prince de Genève, instituteur des religieuses de la Visitation Sainte Marie, par une supérieure du même ordre, Valence, Louys Robert, 3 vol.
  • Les Vies de plusieurs Supérieures de l’Ordre de la Visitation Sainte Marie, revues et corrigées par un Père de la Compagnie de Jésus [le père Claude Ménestrier], Annecy, Humbert Fonteine, 1693.
  • Lettres de la vénérable mère Françoise-Madeleine de Chaugy, religieuse de la Visitation, suivies des lettres et réponses de quelques personnages illustres, avec divers écrits sur ses vertus, éd. J.-F. Sermand, Orange, Escoffier, 1838.
  • Mémoires sur la vie et les vertus de sainte Jeanne-Françoise de Chantal..., publiés par l’abbé T. Boulenger, Paris, Debécourt, 1842 -- éd. par les Religieuses du 1er monastère de la Visitation d’Annecy, Paris, Plon, 1874 et 1893.

Sources

À noter, d’une part, l’existence aux Archives de la Visitation d’Annecy de plusieurs manuscrits inédits (histoires de la fondation de plusieurs monastères, vies de religieuses, «Année sainte», cantiques, correspondances, etc.) et, d’autre part, la participation, directe ou indirecte, reconnue ou non, de Chaugy à plusieurs ouvrages imprimés de ses contemporains (les biographies salésiennes de Mgr Maupas du Tour, de Mgr Charles-Auguste de Sales, des pères Alexandre Fichet et Nicolas de Hauteville, etc.).

Choix bibliographique

  • Burns, Marie-Patricia, vsm, Françoise-Madeleine de Chaugy. Dans l’ombre et la lumière de la canonisation de François de Sales, Annecy, Académie salésienne, 2002 (avec des documents originaux).
  • Circulaire sur les vertus de feue la mère Françoise-Madeleine de Chaugy, dédiée à Madame Royale, Marie-Jeanne-Baptiste, duchesse de Savoie, Turin, Barthélémy Zappate, 1682.
  • Dompnier, Bernard, «Introduction. Les Visitandines, les monastères et la Visitation. Parcours dans les sources et l’historiographie», dans Visitation et Visitandine aux XVIIe et XVIIIe siècles, dir. Bernard Dompnier et Dominique Julia, Saint-Etienne, PUSE/CERCOR, 2001, p.10-29.
  • Lecouturier, Ernestine, Françoise-Madeleine de Chaugy et la tradition salésienne au XVIIe siècle, Paris, Bloud et Gay, 1933, 2 vol.
  • Sermand, abbé J.-F., La Vie de la mère F.-M. de Chaugy, religieuse de la Visitation sainte-Marie d’Annecy, secrétaire de sainte Chantal, rédigée d’après les Mémoires manuscrits conservés dans diverses maisons de cet Institut, Orange, Jules Escoffier, 1839 (avec des documents originaux).

Choix iconographique

  • ap. 1680 : J.F. Cars le fils, La v. Mere Françoise Magdelaine de Chaugy 4eme Supre dud. Monastere de la visitation de Ste Marie Dannessy Choisie de Dieu pr la poursuite de la canonization du grand Fr. de Sales son Fondateur qui dans la diversité des evenem. a toujours etez semblable à elle même. Morte Sup[érieure] du mon[astère] de Turin le 7 septembre 1680 agée de 70 ans (portrait gravé) -- Ernestine Lecouturier, Françoise-Madeleine de Chaugy..., voir supra, Choix bibliographique, t.I, face, p.XX.

Jugements

  • «Tout était charmant et engageant en elle, la voir et l’aimer étaient une même chose.» (Jeanne de Chantal, tel que cité par la comtesse de Menthon, Les deux filles de sainte Chantal, Annecy, Visitation, 1913, p.556)
  • «Ma fille, ne vous déferez-vous jamais de cette grande activité d’esprit? Je vois bien que puisque c’est une inclination naturelle, vous aurez de la peine de vous en défaire, mais je sais aussi que si vous étiez fidèle, vous ne seriez plus si bouillante.» ([Jeanne de Chantal], OEuvres diverses, Paris, Plon, 1874, t.II, p.301)
  • «On ne peut voir le travail de la soeur Françoise Madeleine de Chaugy sans la nommer un petit miracle de l’Ordre et du siècle. Elle a composé la Vie de cette Mère avec tant de jugement et d’esprit qu’elle pouvait être mise sous presse et voir le jour avec l’approbation des plus éclairés; mais sa vertu l’a emporté sur sa capacité [...]. On doit à son travail tout le fond de mon histoire de la mère de Chantal, mais elle en donne toute la gloire à Dieu.» (Le père Alexandre Fichet, Les saintes reliques de l’Erothée [...] ou La sainte Vie de Mère J.-Fr. de Frémyot, baronne de Chantal, excellent original de sainteté et vrai pourtraict de l’épouse de Jésus, Paris, S. Huré, 1643, I, chap.II)
  • «Elle nous paraissait un peu sévère, ferme et forte dans les fonctions communes, surtout dans les chapitres, mais nous la trouvions fort raisonnable, douce, compatissante et bonne mère dans les communications particulières et aux redditions de compte de l’intérieur [...]. Elle était merveilleusement entendue en médecine, parlant de la composition de nos corps comme si elle n’avait étudié qu’aux anatomies [et elle] savait saigner parfaitement [...]. Elle avait une connaissance parfaite de l’Ecriture sainte qu’elle possède comme son catéchisme, même les passages les plus obscurs des prophètes. Aux récréations, elle était toujours saintement enjouée.» (Circulaire sur les vertus de feue la mère Françoise-Madeleine de Chaugy..., voir supra, Choix bibliographique, p.111-112, 115, 121)
  • «J’ai voulu donner des bornes à la conduite de cette fille qui m’a toujours paru un peu séculière mais que je n’ai jamais cru criminelle ni capable des emportements dont ce factum la charge.» (Mgr d’Arenthon, évêque de Genève, un de ses adversaires les plus tenaces [juillet 1669], tel que cité par Ernestine Lecouturier, Françoise-Madeleine de Chaugy..., voir supra, Choix bibliographique, t.I, p.543)
  • (A l’exhumation de son corps) «[elles la] trouvèrent aussi entière qu’elle était le jour de sa mort, si flexible qu’elles l’auraient pu lever sur ses pieds, n’ayant pas même changé de couleur, ni ses habits, non plus que la couronne de fleurs qu’elle avait sur la tête. On put même ouvrir sa chemise pour voir le saint nom de Jésus sur son coeur sans la couper; le livre de nos saintes règles, qu’elle avait ordonné d’enterrer avec elle, n’étant point gâté; la paille sur laquelle elle était couchée très entière et bien fraîche; ce béni corps jetait une odeur qui ravissait.» (Lettres de la vénérable mère Françoise-Madeleine de Chaugy..., dans J.-F. Sermand, La Vie de la mère F.-M. de Chaugy..., voir supra, Choix bibliographique, p.413)
  • «Françoise de Chaugy a donc fait oeuvre d’historien. Elle a visé non seulement à l’exactitude, mais encore, dans la mesure de ses moyens, à la précision.» (Ernestine Lecouturier, Françoise-Madeleine de Chaugy…, voir supra, t.II, p.33)
  • «Cette personnalité affirmée, au caractère trempé, est également prête à renoncer à ses desseins, à enfouir ses certitudes, même fondées, et à subir l’opprobre, si l’obéissance le requiert; le respect de la Règle prévaut en toutes circonstances.» (Bernard Dompnier, «Préface», dans Marie-Patricia Burns, Françoise-Madeleine de Chaugy…, voir supra, Choix bibliographique, p.14).
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