Louise-Emmanuelle de Chatillon

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Louise-Emmanuelle de Chatillon
Titre(s) Princesse de Tarente
Conjoint(s) Charles-Bretagne-Marie-Joseph prince de Tarente, duc de la Trémouille, pair de France
Biographie
Date de naissance 1763
Date de décès 1814
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Elena Gretchanaia, 2003.

Louise Emmanuelle de Tarente est née le 23 juillet 1763 à Paris, et est morte le 22 juin (ancien style) / 4 juillet (nouveau style) 1814 à Saint-Pétersbourg. Fille de Louis Gaucher duc de Châtillon (dernier duc de ce nom) et d'Adrienne-Emélie-Félicité de la Baume le Blanc de La Vallière, elle est mariée en 1781 à Charles-Bretagne-Marie-Joseph prince de Tarente, plus tard duc de la Trémouille, pair de France. Leur fille unique meurt en bas âge. En mai 1785, Mme de Tarente est nommée dame du palais de la reine Marie-Antoinette qui "l'aimait et estimait infiniment" (Mme Campan. Mémoires, Paris, Mercure de France, 1998, p.332). Malgré la Révolution française, la princesse de Tarente refuse de quitter la famille royale et devient témoin de la prise des Tuileries le 10 août 1792. Elle est arrêtée quelques jours plus tard et incarcérée dans la prison de l'Abbaye après avoir refusé de déposer contre la reine. Lors des massacres de septembre 1792, elle réussit à cacher son identité et recouvre la liberté. Elle émigre en Angleterre et vit à Londres sur la pension payée par la soeur de Marie-Antoinette, Marie-Caroline de Naples. Elle y écrit sesSouvenirs où elle retrace les premières années de la Révolution et sa détention. Par leur style sobre et laconique ils se rapprochent du genre de la chronique. La fidélité parfaite de l'auteure à la reine en est le sujet principal.

En mars 1797 la princesse de Tarente est invitée en Russie par l'empereur Paul Ier et sa femme Marie Fedorovna qui ont fait sa connaissance lors de leurs voyage en France en 1782. En juillet, elle arrive à Saint-Pétersbourg en compagnie de son beau-frère le duc de Crussol. Elle est nommée dame d'honneur de l'impératrice russe mais tombe bientôt en défaveur auprès de Paul Ier, d'humeur très changeante. Cependant elle continue à prendre part à la vie de la cour comme dame d'honneur. Elle est accueillie dans la famille de la comtesse Varvara Golovina à laquelle sont adressées ses nombreuses lettres écrites lors de leurs séparations provisoires. Elle apporte en Russie le manuscrit des Souvenirs qui est lu par la comtesse Golovina, les membres de sa famille et son entourage. Pendant l'automne 1801, Mme de Tarente part en France et vit chez sa mère à Paris et à Wideville (à une trentaine km de Paris). Elle ne veut plus renouer avec son mari. Elle n'est pas rayée de la liste des émigrés et ne le sera jamais. Elle rentre en Russie en 1804 avec la famille des Golovine venue à Paris en 1802. Là-bas, elle continue à vivre avec eux et rencontre dans leur maison plusieurs émigrés français parmi lesquels le fervent royaliste et catholique chevalier J.-D. Bassinet d'Augard et le jésuite, le Père Rozaven. Le comte Joseph de Maistre figure aussi dans le salon de Golovina. On attribue à ce cercle catholique un rôle important dans la conversion au catholicisme de la comtesse Golovina, de ses deux filles et de quelques autres dames russes (y compris la célèbre Sophia Svetchina). Mme de Tarente maintient des relations avec la fille de Marie-Antoinette, la duchesse d'Angoulême, et après la chute de Napoléon, s'apprête à la rejoindre. Mais peu de temps après l'entrée des troupes alliées à Paris, la princesse, gravement malade, meurt dans la maison de campagne des Golovine aux environs de Pétersbourg.

Elle était fort estimée par l'épouse d'Alexandre Ier, l'impératrice Elisabeth Alexeïevna et plusieurs Russes, surtout des femmes de la haute société qui l'appellaient après sa mort "la bienheureuse". Jacques Delille chante sa conduite héroïque lors de la Révolution dans son poème Le Malheur et la Pitié (première édition, sous le titre La Pitié, 1803). Mme Golovina parle d'elle dans ses Souvenirs écrits entre 1813 et 1817 et publiés en 1899.

(dernière actualisation : octobre 2010)

Oeuvres

- 1792-1797 : Souvenirs. Éd. Louis de La Trémoïlle, Nantes, E.Grimaud et fils, 1897.
- 1798-1799, 1801-1803, 1805-1806 : Lettres à la comtesse Golovina, inédites sauf trois. -- "Deux lettres de la princesse de Tarente à la comtesse Golovina", éd. E.Gretchanaia, Dix-huitième siècle, 31, 1999, p.331-343; "Lettres de la princesse de Tarente à la comtesse Golovina", in Elena Gretchanaia, Interaction littéraire russo-française et le contexte religieux (1797-1825). Moscou, IMLI RAN, 2002, p.248-262 (en français et en russe).

Choix bibliographique

- Pingaud, Léonce. "Les Russes à Paris (1800-1830)". Le Correspondant, 25 juillet 1904, p.205-209.
- Gretchanaia, Elena. "Deux lettres de la princesse de Tarente à la comtesse Golovina". Dix-huitième siècle, 31, 1999, p.331-343.
- Gretchanaia, Elena. "Du Petit Trianon aux bords de la Volga: Lettres de l'émigrée française la princesse de Tarente et le problème de l'identité culturelle", in Elena Gretchanaia, Interaction littéraire russo-française et le contexte religieux(1797-1825). Moscou, IMLI RAN, 2002, p.16-46 (en russe).

Choix iconographique

- Anonyme. Portrait ovale de la princesse de Tarente (peinture) -- Souvenirs de la princesse de Tarente. Nantes, 1897.

Jugements

- "Quels prodiges de foi, de constance et d'amour!
Tarente, que te veut cet assassin farouche?
A trahir ton amie, il veut forcer ta bouche.
En vain s'offre à tes yeux le sanglant échafaud;
Ta reine, dans les fers, te parle encor plus haut.
Chaque âge, chaque peuple ont eu leur héroïne;
Thèbes (?) eut une Antigone, et Rome une Epponine [...]»
(J. Delille, La Pitié, Paris, Giguet et Michaud, 1803, p.93).
- «La princesse de Tarente, dit M.Bertrand de Moleville, se sauva à force d'héroïsme. Traduite devant les juges-bourreaux du 2 septembre, après avoir attendu son tour pendant quarante heures, sans fermer l'oeil, au milieu des cris des victimes qu'on immolait, et des angoisses de celles qui allaient être massacrés, elle retrouva toute son énergie, lorsqu'elle vit que les interrogatoires qu'on lui faisait tendaient à obtenir d'elle des déclarations qui inculpassent la reine. Elle réfuta si victorieusement toutes les calomnies sur lesquelles elle était interrogée, que l'opinion de tout auditoire, hautement prononcé, força ses juges à la déclarer innocente" (Ibid., p.184-185. J. Delille cite l' Histoire de la Révolution de France de Bertrand de Moleville, parue en 1801-1803).
- "Son âme ardente et belle est susceptible d'apprécier l'amitié. Tous les jours je voyais la sienne s'accroître pour moi. Son caractère altier et ferme repose et calme par l'appui qu'il semble offrir" (Souvenirs de la Comtesse Golovine, Ed. K.Waliszewski, Paris, Plon, 1910, p.194).
- "Cette singulière femme avait quelque chose de repoussant dans l'extérieur et les manières, et cependant son âme était susceptible des affections les plus profondes. Jamais je n'ai rencontré un plus grand caractère et un esprit plus rétréci. Elle ne jugeait rien qu'à travers la lunette de ses préjugés. [...] La princesse de Tarente [...] se flattait en même temps de trouver un jour en moi une prosélyte catholique, semblable à la comtesse Golovine et à plusieurs autres personnes de la même société" (Comtesse Edling, Mémoires, Moscou, imprimerie du Saint-Synode, 1888, p.46, en français).
- "Mme de Tarente, pour tous ceux qui n'avaient avec elle que des relations indifférentes, avait des défauts; mais je conçois bien que dans la famille où elle avait concentré ses plus chères affections, on n'ait senti que ses vertus, ou du moins on ne se souvienne que d'elles et de ce dévouement rempli d'âme qui l'identifiait à tous les intérêts de sa famille d'adoption" (Lettres de Madame Swetchine, éd. le comte de Falloux, Paris, Didier, 1881, t.1, p.173).

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