Marie Le Jars/Fortunée Briquet

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LEJARS DE GOURNAI, (Marie-Catherine,) née à Paris, en 1565, eut, dès l'enfance, un goût décidé pour l'étude. L'histoire, la philosophie, la morale, la physique, la géométrie, l'éloquence et la poésie l'occupèrent tour-à-tour. La plupart des langues savantes lui devinrent familières. ayant perdu fort jeune son père, elle voulut, à la manière des Romains, s'en donner un autre par la voie de l'adoption. La réputation de Montagne lui inspira un tel degré d'enthousiasme et de vénération, qu'en 1588, elle quitta sa terre de Gournay pour aller avec sa mère, à Paris, rendre hommage à l'auteur des Essais. Dès-lors elle donna le nom de son père à cet illustre écrivain, qui la reconnut pour sa fille d'alliance. La vicomtesse de Gamaches, fille du philosophe, l'appella sa soeur. Montagne légua ses manuscrits à Mademoiselle de Gournay, qui les fit imprimer en 1596, 1602 et 1635. Elle dédia cette dernière édition au Cardinal de Richelieu, et elle y mit une préface dans laquelle, dit Sabatier, Pascal a puisé trois ou quatre de ses Penséesles plus brillantes. Mademoiselle de Gournai fut recherchée non-seulement par tous les savans de l'Europe, mais encore par la meilleure compagnie. Les Ménage, les Balzac et les Voiture la consultaient, Heinsius, Juste-Lipse, Baudius, le chancelier Seguier, Saint François de Sales; Laroche-Posay, évêque de Poitiers, Godeau, évêque de Vence, le duc de Mantoue, Maynard, le cardinal Duperçon, Mademoiselle de Schurmann, etc., étaient en commerce de lettres avec elle. La comtesse de Soissons, la duchesse de Longueville, la princesse de Gonzague-Nevers aimaient à s'instruire dans sa conversation, qui était toujours lumineuse et charmante. Bonhours l'a mise au rang des plus illustres filles d'esprit; Hilarion a fait son éloge dans ses Femmes Savantes; Montagne parle très-avantageusement de son mérite, à la fin du 17e. chapitre du livre 2e. de ses Essais; Dominique Baudius l'appelle la syrène de la France. Le cardinal de Richelieu qui avait pour elle une bienveillance particulière, lui fit donner une pension du roi. Elle mourut à Paris, le 13 juillet 1645. Sa mémoire fut honorée de plusieurs épitaphes, parmi lesquelles on remarque celle de Colletet.
On lui doit: les Avis et les Présens de Mademoiselle de Gournai, 1634, 1641. Le livre roule en partie sur la langue française. Idolâtre du vieux langage, elle veut y remettre en vigueur les diminutifs tombés en désuétude, et regrette généralement toutes les expressions dérivées du grec. -- Le Bouquet du Pinde, dédié à la vicomtesse de Gamaches. -- L'Ombre de Mademoiselle de Gournai: cet ouvrage a été imprimé plusieurs fois. On y trouve un discours à Henri IV sur l'éducation des princes; un petit plan d'études pour le Dauphin, qui fut depuis Louis XIII; une dissertation très philosophique et très-morale sur la médisance, adressée à la marquise de Guercheville; des réflexions sur la manière de traduire les anciens auteurs; un traité dédié à la Reine de France, où elle établit l'égalité de mérite entre les deux sexes; une défense de la poésie et du langage des poëtes, adressée à Madame Desloges; les vertus vicieuses; différentes questions de morale, où l'on trouve de la profondeur et du discernement; des pièces fugitives; manière de traduire les orateurs, à M. de Gélas, évêque d'Agen. A la suite de son système de traduction qui est très-lumineux, elle a placé les morceaux suivans, qu'elle a transmis dans notre langue: la Harangue de Galba dans Tacite, celle de Marius au peuple romain dans Salluste; l'Héroïde de Laodamie à Protésilas dans Ovide; la seconde Philippique de Cicéron contre Marc-Antoine; une partie du premier chant de l'Énéide, le second tout entier, et presque tout le quatrième. Cette dernière traduction est en vers.
Mademoiselle de Gournai avait une grande étendue de connaissances et un discernement rare. Elle pensait librement et fortement. Sans adopter aucun genre, elle avait embrassé tout ce qui était utile, et au moyen des langues qu'elle connaissait parfaitement, elle moissonnait chez tous les peuples.

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