Charlotte Guillard

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Charlotte Guillard
Marque guillard.JPG
Conjoint(s) Berthold Rembolt
Claude Chevallon
Biographie
Date de naissance Vers 1484
Date de décès 1557
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Rémi Jimenes, 2009

La date de naissance de Charlotte Guillard n’est pas connue; Beatrice Beech la situe avec vraisemblance entre 1482 et 1486: Charlotte Guillard devait en effet avoir entre quinze et vingt ans lors de son premier mariage en 1502. Sa famille est originaire du Maine, mais c’est à Paris qu’elle épouse l’imprimeur Berthold Rembolt, associé d’Ulrich Gering, tenant boutique rue de la Sorbonne à l’enseigne du Soleil d’Or. En 1508, lorsque Gering prend sa retraite après une quarantaine d’années d’exercice, Rembolt transporte son enseigne et ses presses dans une maison de la rue Saint Jacques, près de l’église Saint-Benoît, atelier qui ne déménagera plus et constituera pendant près d’un demi-siècle le lieu de vie de Charlotte Guillard.

Veuve en 1518, Charlotte se remarie dès 1520 avec le libraire Claude Chevallon, qui s’installe chez elle. Sensible aux influences humanistes de son époque, il transforme radicalement la production éditoriale de l’atelier. Dès le milieu des années 1520, il se spécialise dans l’impression des œuvres des Pères de l’Église grecs et latins, reprenant et améliorant le texte des éditions qu’avait données Érasme: en l’espace de dix ans, les œuvres de Jean Chrysostome, d’Ambroise, d’Augustin, de Jérôme, paraissent ainsi à Paris. Collaborant avec de nombreux humanistes parisiens, Chevallon parvient à faire du Soleil d’Or un atelier incontournable en matière de théologie érudite.

Lorsqu’il meurt en 1537, Chevallon laisse à sa veuve un atelier réputé, un fonds de librairie important et un réseau de correspondants parmi lesquels gravitent des personnalités comme Jean de Gagny, Godefroy Tilman ou Antoine Macault. Dès lors, Charlotte Guillard décide à son tour des orientations éditoriales et planifie sa production. Elle ne se contente pas, comme c’est souvent le cas, de reproduire le catalogue de Chevallon en réimprimant les ouvrages publiés précédemment. Elle complète ce catalogue en imprimant les textes qu’il avait délaissés. Ainsi, une édition des écrits de Pacien de Barcelone paraît dès 1538. Viendront ensuite Hilaire de Poitiers (1544), Tertullien (1545) et Basile (1547). De 1537 à 1556, Charlotte publie sous son nom («apud Carolam Guillard, sub Sole aureo») 193 éditions différentes. Le Soleil d’Or reste l’une des maisons d’édition les plus prospères de Paris. La réussite économique de l’entreprise est indéniable, et Charlotte, qui n’a pas d’enfant, sait en faire profiter ses proches. Ses neveux Jacques Bogard, Guillaume Guillard, Sébastien Nivelle et Guillaume Desboys, tous libraires, débutent leur carrière au Soleil d’Or. Charlotte Guillard fait preuve de générosité, leur accordant de nombreux dons et soutiens matériels. Guillaume Desboys, son neveu par alliance, devient même l’associé à part entière de Charlotte à partir de 1547.

Le rôle exact de la patronne au sein de l’atelier reste cependant difficile à cerner. On ignore son niveau d’éducation et l’on n’est pas sûr qu’elle sache lire le latin. Un seul texte est signé de son nom: la préface latine du Lexicon Graecolatinumde Jacques Toussain (1552), qui a pu être traduit par l’un des correcteurs de l’atelier à partir d’un original français. On sait par ailleurs qu’elle n’a pas effectué seule ses choix éditoriaux. Louis Miré (Ludovicus Miraeus), humaniste doté d’une solide formation théologique, l’un des «chasseurs de textes» qui explorent les bibliothèques et collationnent les anciens manuscrits, se dit «gérant de l’atelier typographique» (typographico praelo praefectus) dans une préface à l’édition de Saint Basile. Les lettrés employés au service de l’atelier, comme les neveux libraires, ont également pu influencer les choix éditoriaux de la veuve. Elle meurt au début de l'année 1557, avant le mois de juillet.

Par sa longue carrière, par l’importance de son entreprise sur le plan éditorial et intellectuel, par la qualité de sa production, Charlotte Guillard apparaît comme une figure majeure du livre parisien au XVIe siècle. Depuis Chevillier, les historiens de la librairie française ont remarqué l’élégance et la correction de ses livres, tout en saluant le caractère atypique de sa carrière. L’article publié par Beatrice Beech en 1983 (voir infra, choix bibliog.) a apporté aux historiens des données précises et abondantes sur la biographie de Charlotte Guillard. Néanmoins, la portée humaniste et religieuse de sa production reste à définir avec précision, et les études à venir devront compléter notre connaissance de ce sujet.

Choix bibliographique

- Beech, Beatrice, « Charlotte Guillard : A sixteenth Century Business Woman », Renaissance Quarterly, no 3, New-York, The Renaissance Society of America, 1983, p. 345-357.

- Dumoulin, Joseph, « Charlotte Guillard, imprimeur au XVIe siècle », Bulletin du Bibliophile et du bibliothécaire, Paris, Techener, 1896, p. 579-584.

- Jimenes, Rémi, « Pratiques d’atelier et corrections typographiques à Paris au XVIe siècle : les œuvres de Saint Bernard publiées par Charlotte Guillard », colloque Passeurs de texte : les imprimeurs humanistes, École des Chartes, Bibliothèque Sainte Geneviève, Centre d’études supérieures de la Renaissance, mars 2009 [actes à paraître fin 2010].

- Jimenes, Rémi, « Charlotte Guillard au Soleil d’Or (1502-1557) : étude bibliographique », thèse de doctorat sous la direction de Marie-Luce Demonet [en cours de rédaction].

- Renouard, Philippe, Répertoire des imprimeurs parisiens, libraires, fondeurs de caractères et correcteurs d’imprimerie, Paris, Minard, 1965.

Jugements

- «Nous donnons place parmi les Imprimeurs corrects à charlotte Guillard, femme celebre dans l’Imprimerie, qui a surpassé toutes celles de son sexe dans la pratique de ce grand Art, s’étant signalée par un nombre considérable de bonnes Impressions fort estimées, qu’on garde curieusement dans les Bibliothèques. […] Elle écrit en l’année 1552 qu’elle soûtenoit les fatigues & les grandes dépenses de l’Imprimerie depuis cinquante ans, […] ce qui montre que cette genereuse femme partageoit aussi le poids de cette profession dans le mariage. Digne veuve, à qui on peut avec verité appliquer ces paroles de l’Ecriture: Panem otiosa non comedit [Prov., XXXI, 27 : « elle ne mange pas le pain de l’oisiveté »]. » (André Chevillier, L’Origine de l’imprimerie de Paris, Paris, chez Jean de Laulne, 1694, p.148-149)

– «The life of Charlotte Guillard demonstrates that at least some women of the middle class in sixteenth-century Paris had more active and varied business careers than hitherto thought, despite the many handicaps under which they labored. […] The fact that she was capable of managing her property and business must mean that she had received a far greater training in the legal, financial, managerial, and marketing skills than we have direct evidence for, or which we normally assume women received. […] Her output was not the largest, but the quality of her books, both from the standpoint of aesthetics and contents, put her in the same category as Estienne, Badius, Plantin, and Morel, considered to be some of the great scholar printers of the sixteenth century». (Beatrice Beech, «Charlotte Guillard...», voir supra, Choix bibliog.)

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